Comment bien préparer une dictée?
Tout autour de nous, la croissance naturelle et la progression soutenue* sont des modèles de procédés naturels et culturels.
*que ce soit un soutien matériel, l'accoudoir d'un canapé dans l'apprentissage de la marche, moral, dans l'encouragement du parent, ou personnel, lorsque les tentatives infructueuses se transforment en succès.
La dictée est un apprentissage culturel, mais on peut suivre des processus naturels pour qu'elle devienne un levier de progression, une habitude naturelle.
Je vous propose de la découvrir en 10 étapes-clés.
Cela me rappelle notre aventure avec les deux lapinous que nous avions adoptés. Nous étions très attachés, dès leur arrivée à la maison -et dans l'intention de les laisser évoluer en liberté-, à les connecter avec des habitudes naturelles, nous avons ainsi étudié les plantes "sauvages" de jardin qu'ils pouvaient consommer et nous y avions associé de petits exercices de mise en contexte naturel. Par exemple, le développement de leur membres antérieurs, afin qu'ils ne désapprennent pas ce réflexe et ces capacités indispensables dans la nature. (la cage est ouverte elle sert ici de "râtelier")
1) Laisser libre cours au mimétisme et organiser l'environnement
Nous avons utilisé du matériel montessori (le plateau de sable) en disposition libre, et des alphas (ici un peu avant 3 ans).
Nous avions également peint la partie basse de la porte de la chambre des enfants afin d'offrir des occasions "non-scolaires" de goûter au plaisir du geste scripteur.
Et bien entendu, avec les temps longs passés dans la nature, la démarche était identique
Ici, une inscription dans la terre, et en négatif, la même terre rapportée de Roussillon. Se nommer, s'approprier le code écrit afin de s'inscrire en tant qu'individu.
2) Favoriser les occasions. En marge de la pulsion mimétique naturelle, nous avons cherché à développer des occasions de mettre en valeur le dessin, l'écriture. En profitant d'atelier organisé par la mairie, ou d'une soeur aînée attelée à la reproduction du "doudou" de la petite dernière. Une inclusion dans les pratiques familiales grâce à la fratrie et au-delà, dans un cercle social plus large, grâce à une activité proposée au village, ou d'une sortie dans le port primitif de Marseille, site archéologique classé.
Les occasions doivent se montrer sociales, et/ou intimement liée à la culture, la nature, qui génère une imprégnation naturelle et positive.
Les neuros-sciences sont venues valider ce que beaucoup de pédagogues pressentaient déjà, de Charlotte Mason au parent bienveillant et attentif: l'éducation, les apprentissages qui se font dans la joie, le plaisir, vont puissament s'ancrer dans l'individu.
3) Développer d'autres opportunités d'exercer sa motricité fine. Mon dernier fils avait reçu son premier opinel (à bout rond) pour ses 3 ans. Il s'était légèrement coupé et cela a été la limite d'acceptation de liberté pour son papa. Personnellement, je trouvai cela normal, il faut bien tester les limites d'un outil et en éprouver les avantages et les dangers. Passioné très jeune par la cuisine, en particulier des légumes, nous avons donné à nos enfants, grâce à la déscolarisation, du temps. Le temps de prendre le temps d'utiliser ses mains, ses doigts. Ce fut particulièrement intéressant pour notre dernier, légèrement dyspraxique et très dysgraphique. Il s'est avéré qu'un arrêt (circonstanciel) de l'écriture, qui correspondait parallèlement à un usage intensif de sa motricité manuelle dans d'autres domaines, l'a vu progresser en écriture de manière spectaculaire. Nous avons eu l'occasion d'en discuter avec un neuro-pédiatre, qui me disait il y a 4 ans qu'il fallait écrire "beaucoup" pour bien écrire, et qui avait révisé son jugement. L'attrait pour des activités de motricité fine est plus efficace pour un jeune, un enfant en difficulté graphique que des activités de graphie qui mobilisent de plus bien d'autres éléments cognitifs et alourdissent la difficulté.
4) Le travail de copie libre. Les parents d'enfants en unschooling depuis toujours font ce constat assez unanime: les enfants "écrivent", dessinent et jouent par terre, dans des positions qui nous semblent être des défis au lois les plus basiques de l'ergonomie, du confort, et d'une certaine logique acquise. Et à 11 ans, ils s'asseyent. Je les ai ainsi laissé s'installer dans des positions des plus abracadabrantes et si cela était parfois du à une situation particulière (un jeu de découverte organisé dans une église anglicane à York), il en allait de même dans notre quotidien, au sol, ou "sol perché" sur une table conçue pour un autre usage (les unschoolers sont les rois du détournement d'usage) mais toujours étrange, pour mon regard, mais pas pour leur capacité de concentration que ces positions accompagnent, jusqu'au jour où, sans prévenir, ils s'installent comme des adultes.
5) Le travail de copie à partir de textes manuscrits. Le "copywork". On utilise d'abord un modèle qui montre exactement à quoi devrait ressemble les lettres. Elles sont donc manuscrites au départ. Soit, vous transcrivez un texte vous-même, de votre plus belle plume, ou vous utilisez un livre ancien qui contient ce type de typographie, ou encore un texte que vous pouvez trouver en ligne gratuitement à imprimer
Les photos suivantes ne sont pas de très bonnes qualité mais elle illustrent ce que vous pouvez trouver sur ce site: des albums pour enfant dans toutes les langues.... français ou japonais!
Children's books for ever! Des albums mis gratuitement en ligne! Et quels albums! Héloïse m'en a déjà fait lire quelques-uns, ravie! Il y a même une version "je commence à lire", pour quelques albums avec une écriture cursive.
http://homeschooling.canalblog.com
ou encore, vous pouvez générer des feuilles vous-même avec un générateur de ce type, qui offre l'avantage de choisir la taille, les interlignes et même la possibilité de recopier d'abord SUR les lettres en pointillé, puis de recopier en dessous.
A ce stade, il s'agit d'une activité de calligraphie. Le va et vient des yeux est régulier, chaque lettre étant "vérifiée". J'ai toujours pensé que cette étape calligraphique ne devait pas être dénuée de sens, et demandé à mon fils ce qu'il souhaitait recopier comme texte, la copie de longues lignes de lettre me paraissant totalement dénuée de sens et donc d'intérêt.
6) La maîtrise du geste scripteur : la mémoire du geste va s'inscrire, libérant ainsi les autres tâches cognitives à maîtriser (et on comprend là toute la difficulté et le défi que représente l'écriture pour un enfant, un jeune, qui souffre de troubles de la coordination). Cette maîtrise du geste est le socle sur lequel vont pouvoir se fonder toutes les tâches coordonnées et simultanées de l'écriture. Elle doit être parfaitement acquise avant même de poursuivre l'apprentissage.
7) Une seconde nature s'installe. La forme de chaque lettre devient une seconde nature pour l'enfant, c'est-à-dire qu'il s'approprie naturellement une démarche culturelle jusqu'à ce qu'elle lui devienne naturelle. Son cerveau l'a inscrite en un mouvement automatique. Il peut alors regarder des mots entiers et s'assurer qu'il en a bien compris le sens. Après l'acquisition du geste vient celui de la sémantique.
8) La transcription: Avec la mémorisation de phrases courtes, vient la transcription. Les mouvements oculaires sont moins nombreux parce que la phrase est plus rapidement mémorisée, et cette mémorisation est facilitée par la compréhension du sens de la phrase, l'accès à la sémantique.
9) La copie dactylographiée. Lorsque cette tâche est facilement réalisée, vient le moment où le texte en copie peut être dactylographié. La transposition de l'écriture dactylographiée en écriture cursive se fait naturellement.
10) La dictée Lorsque l'enfant est à l'aise avec la transcription, qu'il est capable de mémoriser des phrases ou même de petits paragraphes, que son attention lui a permis de comprendre non seulement le sens de ce qu'il écrit mais aussi la forme, non pas uniquement le contenu mais le contenant: la modification, ou non, de l'orthographe des mots fluctuant selon les règles de grammaire, de conjugaison, d'orthographe d'usage.
Il y a eu peu d'enseignement classique et formel en unschooling, mais je donnais des informations pertinentes, au fur et à mesure des besoins. Cela a bien fonctionné. J'avais aussi imprimé le tableau d'inspiration montessori de grammaire sur une affiche trônant dans notre séjour, et je voyais mes enfants s'y arrêter de temps à autre. La confection ayant été en elle-même un vecteur d'apprentissage.
La dictée est possible lorsque l'enfant recopie sans erreurs un texte.
Il s'agira toujours d'une dictée préparée afin de se prémunir des erreurs répétées qui sont malheureusement mémorisées, elles aussi. Hélas. Mais par le même processus utilisé pour bien orthographier les mots.
Imaginez les cohortes d'élèves astreints aux dictées scolaires et s'empêtrant dans un maëlstrom de mots qui ont été mémorisés avec plusieurs orthographes.... laquelle est "la bonne"? Perplexité, néant, efforts non productifs et découragement font le lit de générations de jeunes et d'adultes qui n'ont plus la maîtrise écrite de leur langue.
La dictée se fera donc phrase par phrase, et non par paragraphe, afin de ne pas ajouter de surcharge cognitive à l'effort physique et intellectuel qu'elle requiert.
La dictée préparée permet de mémoriser l'orthographe des mots, en songeant toujours à l'épélation, la ponctuation, les lettres qui seront en capitale, etc...
La magie de ce processus tient en l'utilisation de textes qui font sens, qui vont éveiller l'intérêt de l'enfant, assouvir sa curiosoté.
Elle tient aussi dans le processus qui décompose et respecte toutes les activités simultanées qui sont engagés dans l'écriture d'une dictée. Le tracé de la lettre, la mémorisation d'un mot. Sa compréhension. La mémorisation et la compréhension d'une phrase puis d'un paragraphe complet.
Enfin, le second effet magique "kiss cool" de ce process de dictée est l'installation d'une bonne habitude: lorsque l'enfant, le jeune s'adonnera à la lecture, il prendra l'habitude de porter, sans efforts, attention à l'orthographe particulière d'un mot. Et la mémorisera automatiquement.